La machine à laver qui tourne. La rapport de force entre vaisselles sales et propre qui s’inverse, la pile de droite descend tandis que la gauche monte à mesure qu’assiettes, couverts et autre joyeusetés passent par le bac de l’évier, son eau savonneuse et le fil de l’éponge.
Journée ménagère, activité ménagère qui s’intègre à la « reproduction de la force de travail » ; vous savez tout ce qui vous fait ou est susceptible de vous faire « retourner au travail » le lendemain, frais, prêt·e s et fraîches. Assurant cette activité domestique, il faut le dire monotone, il faut de quoi s’occuper les esgourdes, esgourder (lien : https://fr.wiktionary.org/wiki/esgourder) quelque chose, de pas trop prenant, laisser fluer du son, des info’s comme on dit, naviguer et zapper entre radios, podcasts et chaînes youtube, toute une journée à ça. Se mettre, le temps d’une journée, « à consommer » l’information que toutes et tous écoutent. S’il y avait un moment pour ces conneries, c’était bien celui-la, occupé avec la wassingue (serpillière), le balais et l’étendoir à linge, on laisse fluer les bêtises on se passe les nerfs en tordant la wassingue ; se la figurer cou de quelque éditorialiste inconséquent ; ça détend !
Bien évidemment, je n’ai pas pu passer à côté, islamo-gauchisme sourire nerveux de voir cette blague badine longtemps échangée avec des ami·es (IRL ou « irréel·les ») du même bord, ce mot que l’on se lançait comme une sorte de code fendard, ce même mot, cette combinaison s’épaissir ainsi et se muer en stigmate. Ça tourne, ça tourne, la machine à laver tourne encore, les derniers tours, les plus rudes, l’essorage. Il y a eu aussi, au gré des divers bulletins d’information, la question de confiner enfle, on a eu la réponse depuis, confinement soft, avec école et travail. Ne rien ménager, hormis le travail. Accointance du travail et de l’école. La seconde préparant au premier. On a tort de n’y voir qu’un effet du capitalisme,
Les priorités sont posées, elles l’ont toujours été, pas nouveau, rien de nouveau ; juste que c’est désormais éclairé d’une lumière plus crue. Les contours en sont affinés. Le « travail » comme ultime horizon. Certain·es s’en rendent-iels enfin compte que l’État n’existe qu’à cette seule fin ? Veiller à ce que tout roule, garde-chiourme ou chien de berger – pour la version spéciste – que ça roule mieux encore, plus encore. Pas une structure « neutre », l’État, dont les vues et les fins varieraient en fonction de qui se trouve à son sommet. Qu’il suffirait par magie de mettre « les bonnes personnes » aux bonnes places et que par cette même magie tout irait mieux. Ça s’adapte encore et toujours à la fin dernière : que ça trime et créé de la valeur. Selon les époques et les contextes, ça promeut du repos dans et par la visée de la consommation, pour qu’en dernière instance, ça tourne d’autant mieux. 35 heures, l’assurance chômage, RSA ou même les fantasmatiques revenu universel et salaire à vie. Idées et concepts qui n’ont d’autre objet que de maintenir encore et toujours la pression du travail. Un chroniqueur quelconque, devenu penchant gôchisant des éditorialistes droitards1 (comme si emprunter la manière suffisait à provoquer les même effets) nous raconte avec sérieux et gravité – le gravité est le bonheur des imbéciles – que la fête est devenue le credo d’une société, il nous ressert et nous refait, à sa sauce, le discours d’Onfray. D’un côté ceux et celles qui n’auraient pas d’idéal sinon celui de la fête (selon Usul) et dans l’autre camp des personnes prêtes à mourir pour leurs idées. Schématiquement, ça ressemble vachement à du Onfray, réarrangé.
Puis il vient, lui, le grand émissaire qui a popularisé les idées de Friot, corriger Bruno Latour (on aura tout entendu !) ; découvrant avec des siècles de retard le lien, ce lien entre État et capitalisme. Puisqu’il en est à corriger et ajouter, n’a-t-il pas fait le lien entre cette idéologie de la fête et ce même capitalisme ? La manière dont ces concepts de fête, de bonheur ont été repris. Si les valeurs défendues aujourd’hui sont celles-ci, c’est bien aussi dans et par l’effet d’une reprise en main du capitalisme de l’idée de fête.
Ça a basculé, là, dans le haut parleur, je ne sais pourquoi ni comment, ça parle de foot, de tel ou tel joueur qui n’a pas assez travaillé, comme tout à l’heure du côté de France culture, ça parlait d’un·e écrivain·e quelconque qui a travaillé son roman. Elle y est l’expression dans la langue même, métaphore du quotidien : travailler quelque chose, équivalent de « s’exercer », d’étudier, s’entraîner…etc. Utilisé dans ces divers contextes, le travail et par extension la valeur travail devient vague. Mélange mortifère. La récompense vient par le travail, quel que soit le champ, la discipline. À l’école elle ou il « travaille bien » et obtient de bonnes notes. Celui-la a travaillé sa peinture, celle-ci a bien travaillé à son poste d’hôtesse de caisse. D’où le glissement, pour toutes et tous, le travail considéré comme positif. Mais « travailler » son texte, ce n’est sûrement pas comme « travailler » à l’usine. Il y a des évidences qu’il faut, souvent, rappeler.