J’y suis allé avec quelques appréhensions, je dois dire. Hier soir, cinéma 104, à Pantin. Un film sur Thierry Metz, un film sur un poète ouvrier, un poète qui ayant connu les affres du travail dit non-qualifié, et qui l’évoque dans et par sa poésie, un poète disparu, suicidé. Appréhension de voir quelques littérateurs, ou tout autre personnalité disserter sur l’écriture de Metz, refaire son parcours. Appréhensions de voir un angle du type poète et ouvrier, poète sans diplôme, ce mépris, constant, permanent, image mythologie du poète ou de la poétesse. Un peu comme on a fait, comme on fait encore aujourd’hui, souvent, quand on parle de Bernard Stiegler… de la prison à la philo’… quel parcours !
Rien de tout ça !
L’homme qui penche, le film, c’est du cinéma au sens propre, au sens étymologique du terme ; cinématographie ; ίνημα / kínēma, « mouvement » et γραϕή / graphê, « art d’écrire, écriture ». Ainsi, dans et par ce médium spécifique, on assiste à l’écriture d’un poème d’images en mouvement, avec la lecture, en voix off, des poèmes de Thierry Metz. Pas d’illustration, ici, de ces poèmes, non, leur recomposition. Et l’on traverse, au fil des recueils et des poèmes de Metz, par les différentes étapes de sa vie, du chantier [Journal d’un manœuvre] au centre hospitalier de Cadillac [L’homme qui penche] en passant par la disparition de son fils, de son ancienne maison [Entre l’eau et la feuille] on le suit Metz en recréant le poème.
Démarche tout à fait particulière, de Marie-Violaine Brincard et Olivier Dury, non pas cerner l’homme, mais le poète, son écriture, sa manière d’écrire, d’appréhender, par les mots, le monde ; à l’issue de la projection. Allez voir L’homme qui penche, même si vous connaissez rien de Thierry Metz, pas grave, vous le découvrirez alors, dans et par les images, les sons, les atmosphères. La personne ou le poète Thierry Metz, ça ne vous intéresse pas ? C’est de la vie, la prise directe au travail, aux souffrance, comment tenter, dans et par l’écriture, le cinéma en réchapper, fureter avec tout ça. On ne projette pas L’homme qui penche ? Demandez-le.
Et je vous laisse sur la bande annonce :