Sans-abris ça te change, t’es plus toi ; même sorti·e de cette condition, tu la vois plus pareille, la ville. Fini de se balader tranquille, de s’extasier sur les bâtiments et leurs architectures. Comme un filtre sur tes yeux, tu les identifies direct les habitant·e·s du dehors. Pas seulement les plus commun·e·s, celles et ceux qui collent aux clichés ; tu enjambes les apparences, tu décèles le profil de ceux et celles qui n’ont pas eu les moyens de se rafraîchir, faire peau neuve et arracher une page au calendrier. Tu la sens, la vibration des corps flétris, y a comme une fatigue particulière, des marques sur la peau. Des yeux qui racontent les nuits sans toits et les errances du matin. Pas de sommeil, rien que du noir. Une durée. Course contre la montre, jusqu’au matin. Toute la journée, tu l’appréhendes cette nuit qui toujours arrive trop tôt. Maintenir alors un semblant d’activité. Bouger, se bouger. En continu. Éviter la chute.