Ça lit et ça écrit de manière critique en ce moment pour relancer (prochainement) le site litteralutte. Cherchant des livres à chroniquer/analyser, des sujets à développer/traiter ; usant de l’ensemble des canaux et obéissant – malgré moi – à la circulation circulaire de l’information [1] je vaque ici ou là, et je tombe sur ce tweet de l’émission Littérature sans frontière de RFI.
🎧 à écouter sur @RFImag l’écrivain Charles Cédric Tsimi qui avec humour a romancé sa très malencontreuse relation avec l’administration dans son premier livre « Clandestinement vôtre » @editionsLattes
Le clandestin devenu écrivain https://t.co/ySLdyPoaj4 via @RFI— Littérature sur RFI (@RFI_Litterature) March 27, 2021
Forcément, ça m’intéresse. Non pas tant vis-à-vis de la proximité avec Marche-Frontière, mais dans cette optique éthique que je voudrais mettre en place du côté de litteralutte, contrainte éthique [2], mais donner à voir, à lire et sentir une représentation (plus large) de la littérature et avec comme enjeu un réagencement de la valeur.
Je lance le podcast tout en me rendant sur la page de présentation du livre.
De suite happé par une phrase :
Dans Clandestinement vôtre, vous n’entendrez parler ni de colonisation ni de couleur de peau…
Au premier abord, on peut se dire qu’il s’agit-là d’un discours de communicants, histoire de vendre du papier, traiter d’un sujet sans heurter le confort-blanc-bourgeois des amateur·ices de lecture – le champ littéraire étant l’un des plus réactionnaires qui soit. Mais ça, c’était avant que je n’avance dans l’écoute du podcast.
Il s’agira simplement de parler de situation kafkaïenne, de défauts de l’administration, sans rien dire de la violence organisée et orchestrée par l’État à l’encontre des étrangers et des étrangères (et plus particulièrement celleux provenant des pays les plus pauvres. Plus fascinant encore au moment où on questionne l’interviewé au sujet de ses lectures, celui-ci n’en cite qu’une, et inattendue, Le sanglot de l’homme blanc, pamphlet inconséquent de Pascal Bruckner. Où comment s’articule autour d’une discussion badine, un charmant syndrome de Stockholm colonial. Celui qui fut un immigré sans-papier ayant traversé les affres de la clandestinité se fait le chantre des discours de « déresponsabilisation » du monde occidental et, ne manquant pas de cohérence, il ajoute à ce furieux paradoxe une couche d’antiféminisme primaire et revendiqué.
Le parallèle, alors, avec Marche-Frotnière ne pouvait que se faire, il est assez cocasse qu’à quelques semaines près soient parus deux romans traitant de la condition de sans-papier par deux personnes l’ayant éprouvé, et que, dans le même temps, les deux discours soient si radicalement antagonistes. Là ou pas de couleur de peau, elle y est. Là où pas de féminisme, j’ai tenté (dans le mesure du possible de mon écriture) de l’y inclure. là où pas de colonisation, le colonie est bien présente.
Les exemples de ces écrivain·es (je me restreins au champ de la littérature) issu·es des ex-colonies critiquant de manière véhémente les courants postcoloniaux et décoloniaux ne manquent pas [3], ils et elles sont vecteurs – parmi tant d’autres – de cette invisibilisation de la question de la race [4] en France bien évidemment, mais il ne faut surtout pas sous estimer leur influence sur la petite-bourgeoisie intellectuelle des ex-colonies.
Centrer le questionnement sur les agents (les écrivain·es) ne me semble pas fructueux. Ils et elles sont interchangeables, s’il n’y avait pas eu de Kamel Daoud, il y aurait eu un·e autre pour tenir sa place. Et puis ces discours font également partie intégrante d’une stratégie. Non, c’est le champ littéraire (en particulier) et le champ médiatique (en général) qui sont à pointer. La manière dont, en amont, au sein même des maisons appartenant à de grands groupes, s’agence et la sélection des manuscrits puis le travail sur ces derniers, et en aval leur mise en valeur, leur valorisation en tant que marchandise qui ne doit pas heurter la sensibilité des potentiel·les lectrices et lecteurs.
Tout un ensemble de questions sur lesquelles il est nécessaire de se pencher sans en rester aux discours sur les « agent·es » en elles·eux-même.