Un pas après l’autre. Se déplacer dans le désert des transports en commun, territoire où le véhicule personnel est érigé en obligation. Tout autour dégagé ; des vignes, une route, quelques maisons et le massif, là-bas, qui bloque l’horizon.

Avancer par l’esquisse de trottoir, ligne gravillonnée qui court à perte de vue ; liséré de la route, juste de quoi poser un pied après l’autre. Même désert, éviter le plat du goudron, parce que, quand ça vient et que ça vile, ça vous éradique tout vivant – animal ou humain.

Sous l’écrasement solaire, être silhouette que floute l’air chauffé à blanc. Automobiles qui ralentissent, identifier – du mois tenter – le marcheur, et ça repart en trombe, inconnu le profil, étranger à la vie stagnante.

Entrée serrée, rues étroites d’un village provençal – les ai connues ces rues, du moins leur type, sous d’autres cieux, une autre terre aussi, architecture qui densifie le passage de l’air. Plafonds hauts, façades rocailleuses. Pas de commerces, ou si peu, juste l’essentiel, une boulangerie, ici, un caviste là. Juste quelques heures à écouler, trouver où se poser, pas tant s’éloigner des regards méfiants qui pointent des persiennes, ameutés par l’écho des pas solitaires, ou fuir les mines inquisitrices des rares passant·es croisé·es ; ça te suivra tant que tu seras, là. L’objectif, trouver LE café ou LE bar central du village ; il y en a un, forcément. Sans même rien savoir du lieu, on le devine déjà, jouxtant la mairie et la poste [s’il y en a encore une] ; niché dans une place. Le nom, on peut s’amuser à le composer ensemble ; café de la mairie, bistrot du village. C’est l’unique de la place, pourquoi se prendre la tête à lui trouver un nom original, pas la peine de se distinguer.

Café de la place ; du brouhaha qui tranche avec la quiétude à l’entour. Se poser, le brouhaha baisse d’un cran, esquisser un « bonjour » général qui n’appelle aucun retour. Commander dans le silence qui se prolonge. Pas d’alcools, pas des sodas (ou boissons similaires), rien d’autre ? se rabattre sur le café – crème pour changer. Glu des yeux à l’entour ; être l’anomalie du décor, l’attraction ? ce qui trompe, un moment, l’ennui, ça dure un petit moment avant que ça reprenne, peu à peu, d’abord une phrase, puis deux, un stéréotype footballistique ; les tirs au buts c’est la loterie [1]. Sortir carnet et stylo, livre aussi – excellent roman autour de Saint-Just [2].

Deux heures, trois tout au plus, à écouler, à griffonner, noter dans cette torpeur gardoise les conversations banales ; les routes truffées de nids de poule, la fermeture du tabac du coin et « t’as vu comment qu’il parle ? qui ? bah le nouveau médecin, ’suis allé tout à l’heure. Oh con ! m’en parle pas ! un roumain qu’ils nous ont ramené »…

Le sud-est, mon passage annuel obligé.

Posted by:Ahmed Slama

Ahmed Slama est écrivain (Remembrances, 2017 ; Orance, 2018) et développe une activité de critique offensive, par des textes et des vidéos, qu'il diffuse principalement sur le site litteralutte.com. A publié, entre autres, Marche-Fontière aux éditions Les presses du réel, collection Al Dante, à commander pour soutenir l'auteur, sa chaîne et le site Littéralutte. À lire la revue de presse de Marche-Frontière.

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