Ventilateur mouvant qui mouline, feuillette les pages des livres épars, il passe et repasse, bat cette cadence que suivent les doigts sur le clavier, recherche d’occurrences, passer en revue les occurrences du mot victimaire depuis 1980, tenter de trouver le basculement, on a l’impression que ça ne sert à rien sur le moment, pas intéressant, en quoi ça le serait ? puis au fond, tout au fond de cette nuit… des bruits, pas celui du ventilateur, pas celui du frôlement de l’air avec les feuilles et les pages, non, couper l’engin, se raidir sur sa chaise, et cesser tout pianotage. Un bruit. Tout petit et tout faible. Derrière la commode. Rester comme ça, en suspension, encore quelques minutes. On ne reste que trop peu ainsi, pose quasi-méditative, ne faire qu’un avec l’espace à l’entour. Les meubles et interstices. Le carrelage et… une ombre, là-bas, qui longe le mur, se saisir de la tringle en bois blanc (qui sert habituellement de perche au micro), refermer la porte qui donne sur la chambre, taper, délicat, la commode puis le réfrigérateur, bouger ce dernier, toujours délicat, de l’épaule, et ça fuse ! là, souris affolée, elle veut passer sous la porte, y échoue, elle a peur de rebrousser chemin, mon pied bloque le passage, mouvement incohérent elle saute, du beau saut avec ça ! dépasse amplement la plinthe, rebondit contre le mur, bloquée sait pas quoi faire ; je sais pas quoi faire, lourdaud avec un bâton, lui taper dessus ? et pourquoi ? quel intérêt ? un peu de ma faute, si moi, j’avais eu des horaires plus… humains, jamais je n’aurais été dérangé par elle. Elle la nuit ; moi le jour. C’est un bon deal. Moi, l’humain, le nuisible. Pourquoi je devrais vivre, et pas elle. Elle se décide, file sous le réfrigérateur. J’ouvre la porte, celle qui donne sur le palier et reprend mes tapotements ; disparue, la souris.
Pas de sommeil alors ou si peu, pas possible de revenir aux occurrences de victimaire non, ça on le terminera le lendemain ; que faire en attendant ? Visionner, à foison, des tutoriels pour fabriquer des pièges à souris ; simple, une bouteille en plastique, des élastiques, un fil, un trombone, des bâtons, et c’est parti, enfin… pas de bouteille aller en chercher une, en bas, dans le bac de recyclage, et on s’y met :
cutter, découper la portion haut de la bouteille, et laisser quelques centimètres histoire que ça fasse clapet, quatre trous latéraux pour faire passer les bâtons, enfin, des baguettes restes de quelque repas asiatique, faire passer les élastique, un de chaque côté, sur les baguettes, histoire de garder la bouteille fermée, émaillé le plastique de trous – pour que l’air passe –, dernier trou au fond de la bouteille, alors le trombone le déplier un peu, y accrocher une cacahuète, puis le glisser par le trou au fond là, la cacahuète enserrée par le fil de fer à l’intérieur et le reste du trombone à l’extérieur, ça fait languette, quant au fil, dernier élément de notre projet, faire un nœud au niveau du bouchon, tirer sur le fil, c’est tendu, jusqu’à ce que la partie haute de la bouteille incisée s’élève, laisse le passage jusqu’à la cacahuète, puis attacher l’autre bout du fil au trombone qui dépasse,
prêt, fin prêt notre petit piège inoffensif ! phase de test ; tirer sur le trombone et… paf clac, ça se referme ! parfait ! réenclencher le piège, hésiter, et si elle s’étouffer la souris ? rajouter quelques trous pour l’air, et placer la bouteille derrière le réfrigérateur ;
… éteindre les lumières refermer, la porte, s’endormir, à voir si ça va fonctionner…