Parcourant dans et par l’écriture ce chemin de la lecture, de mes lectures, relisant justement ce que j’ai écrit – plus ou moins – récemment, je m’aperçois que je n’ai fait aucune mention d’un certain type de livres que j’ai lus pour ne pas dire dévorés – reprenant ainsi cette métaphore (partout usitée) rapprochant lecture et nourriture. Ces livres que l’on parcourt muni·es d’un crayon-gomme et d ‘une paire de dès – parfois il n’est même pas besoin de disposer dés, les faces de ces derniers se trouvant dessinées au pied des pages (deux faces pour chaque page). Il suffit, pour imiter le lancer de dés, de feuilleter à l’aveugle, s’arrêter, constater le résultat ; roulement de dés paperassier. Manière bien pratique, en particulier quand il s’agit de voyager dans des conditions extrêmes, ce fut mon cas en Algérie quand je prenais ces autocars antiques et tout cahotants.

Certain·es savent de quoi je parle, ne découvre rien de cette pratique appelée : jeux-de-rôles ayant dès les premiers mots deviné quel type de livre j’évoque ici : les livres-jeu, livres-jeu-de-rôle. Une collection en particulier : Les livres dont VOUS êtes le héros.

Mon omission m’interroge. Pourquoi ne pas les avoir évoqués plus tôt ? Comme si ces livres, qui ont bercé une grande partie de mon enfance et de mon adolescence, ne pouvaient être considérés comme relevant de la littérature. Ils ont leurs codes, leurs genres et leurs auteurs. Steve Jackson, bien sûr, et son classique Le sorcier de la montagne de feu, la série des Loup solitaire ou encore Les chroniques Crétoises qui reprenaient de manière assez érudite les atmosphères de l’Odyssée ou de l’Illiade.

(Ça en faisait des heures de jeu-lecture, le temps d’une bonne centaine de pages, on devient personnage de papier, on fait corps avec les pages lues. Cette impression – toute relative – de maîtriser son sort. On obéit à l’enchaînement non-linéaire des paragraphes. Selon votre choix – prendre à gauche ou droite – vous reporter à tel ou tel numéro de chapitre. Et parfois, dans ces instants tout empreints de tension – où l’on fait face à un piège, un ennemi redoutable – cette angoisse en allant voir du côté du paragraphe nouveau, on se surprend à scruter la dernière ligne du paragraphe, est-ce la fin ? La mort ? Est-on mort, écrasé ou tué ? Et cette satisfaction de résoudre les énigmes, les unes après les autres, d’arriver au paragraphe final.)

L’ensemble de ces livres que j’ai évoqués au cours de cette biographie de lecteur provenaient quasi-exclusivement de notre bibliothèque familiale. Jusqu’à l’Université, je crois me souvenir n’avoir jamais acheté de livre – ce qui était dû, en grande partie, à la situation politique ; aux abords de la décennie 90, celle la guerre intérieure ou de la sale guerre que la répression politique algérienne appelle par euphémisme la tragédie nationale ce qui ; convenons-en, ne veut pas dire grand-chose. À cela il faut ajouter la situation économique des parents, tous deux fonctionnaires, en ces temps où le pouvoir algérien troquait sa façade vaguement socialiste contre une nouvelle, néo-libérale. Adoptant dès lors la rhétorique et la politique de la libre entreprise déjà dévastatrice, mâtinée, dans le système algérien, de corruptions et de rétrocommission, avec une inflation en constante progression accompagnée d’un gel des salaires. Pas d’autres solutions que de se tourner vers ce fond quasi inépuisable dont nous disposions, mais de venait-il exactement ? Ces magazines Pif que je n’ai pas mentionné, pour les même raison, peut-être, qui m’ont fait oublier la lecture des Livres dont vous êtes le héros. Ces Pif magazines lus en décalage absolu avec l’époque de leur publication.

D’où venait donc l’ensemble ces livres, de simples hasards ? si nombreux ?

Si vous pensez qu’il s’agissait-là de livres qui étaient restés dans l’appartement avant même qu’il ne soit occupé par le grand-père,reportez-vous à ce texte.

Si vous croyez deviner l’influence d’un proche ou d’un membre de la famille, voici votre chemin.

Si enfin vous pensez que tout cela est plus simple qu’il n’y paraît et qu’ils ont tout simplement été acheté par mes parents, vous n’avez qu’à cliquer ici.

Posted by:Ahmed Slama

Ahmed Slama est écrivain (Remembrances, 2017 ; Orance, 2018) et développe une activité de critique offensive, par des textes et des vidéos, qu'il diffuse principalement sur le site litteralutte.com. A publié, entre autres, Marche-Fontière aux éditions Les presses du réel, collection Al Dante, à commander pour soutenir l'auteur, sa chaîne et le site Littéralutte. À lire la revue de presse de Marche-Frontière.

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