Ça commencerait, enfin je commencerais ça par une anecdote, un·e ami·e, on a vécu ensemble un certain temps, toujours été fasciné par son rapport aux clopes, elle – cette personne – fumait ou pas comme elle entendait, pas d’addiction ou si peu, la phrase usuelle des accros « moi, j’arrête quand je veux » était à prendre au pied de la lettre dans son cas, tandis que moi, bon, cigarettes (électroniques ou conventionnelles) jamais pu arrêter, ou ne serait-ce que ralentir depuis 6 ans maintenant. En revanche, cette même personne se trouvait être accro (c’est ainsi qu’elle se désignait) aux réseaux sociaux, ‘pouvait pas passer une journée entière sans scroller, ni tapoter ou cliquer, (re)tweeter, commenter, partager, liker. Débattre, passer des heures, à discuter, suivre celui-ci et ou celle-la. Hyperactivité des médias sociaux qui m’a toujours dérouté, à laquelle j’échouais à m’adonner. ’me disais alors que ça viendrait avec le temps, que ça se frayerait son chemin, l’habitude des réseaux sociaux (ou promotionnels, à vous de voir) qu’au fil du temps et des usages, il y aurait une aisance à publier, commenter, (re)tweeter. Non, devant l’écran du téléphone ou le clavier du combinateur, cette hésitation toujours renouvelée.

Pourquoi je suis là ?
Qu’est-ce que je fous ?
Pourquoi j’écris ça ?
À quoi ça sert de commenter ça ?
Et même ce geste anodin, tapoter la publication pourquoi faire ? Au-delà de la délicatesse envers l’autre, celle ou celui à qui a posté ça.

Pas d’aisance, si peu d’aisance. Engoncé, par le milieu où je me trouve, par la nocivité de Twitter et Facebook (entre autres) ? Se dire que, malgré soi, on participe à alimenter la machine. Mais que… si on ne le fait pas, on est définitivement invisible. On est rendu, au néant.

(À ce sujet, une (autre) anecdote, quand il m’arrive parfois (souvent ?) d’aménager des pauses, que je poste et interagis moins que d’habitude, toujours je reçois quelques messages qui m’enjoignent à « continuer d’écrire » malgré « le manque d’attention » dont je suis apparemment l’objet, enfin d’après celles et ceux qui me font parvenir ces messages touchants, il faut le dire. Malaise. Comme si le fait de poster, tenir en éveil ou en veille les comptes de ses réseaux sociaux présageait de la forme – physique ou mentale ou les deux – d’une personne. Respiration et pouls numériques dont la santé se mesurerait à l’activité : quantité de posts et de partages, de likes et de tweets, voire de pouets et de boosts. Comme si l’écriture, le fait même d’écrire ne se résumait qu’à ce qui était posté, sur les réseaux.)

On tente son coup du côté d’espaces et de réseaux plus éthiques, mastodon par exemple, on est toujours pas à son aise. Encore cette gêne, quoi poster et pourquoi ? Pourquoi ne pas l’écrire directement, à ma manière, sans limitation d’aucune sorte. Quel sens ça a de se (re)trouver dans ces enclos ?

On décide pas seul. On fait ce qu’on peut et comme on peut, en grimaçant certes, forçat du clic et de la caresse de l’écran, on se force à y aller, quelques fois, de guerre lasse.

Posted by:Ahmed Slama

Ahmed Slama est écrivain (Remembrances, 2017 ; Orance, 2018) et développe une activité de critique offensive, par des textes et des vidéos, qu'il diffuse principalement sur le site litteralutte.com. A publié, entre autres, Marche-Fontière aux éditions Les presses du réel, collection Al Dante, à commander pour soutenir l'auteur, sa chaîne et le site Littéralutte. À lire la revue de presse de Marche-Frontière.

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