… des barrières invisibles, nettes et précises pourtant. Un peu comme ces dessins animés où le jaune des grains désertiques n’est séparé de la verdure que d’un trait esquissé à terre. Du discontinu entre les rues et les avenues, frontière impalpable – n’est-ce pas là la caractère de toute frontière ? et pourtant visible aux masques sur les visages ;

la métaphore n’est plus, « porter le masque » (du deuil ou de la tristesse) qu’on retrouve notamment chez Karl (marsque ?) Marx avec son concept de « masques de caractères ». Le stéréotype littéraire ne sera plus efficient pour un bon bout de temps, tant le terme « masque » s’est encrassé, d’un sens non pas nouveau, mais l’une de ses acceptions ayant englouti le reste.

Rue de Paris, Montreuil (93100), seul lieu, au-dehors, où le port du masque est devenu obligatoire, on les voit s’arrêter, les gens, au seuil de la rue, affluant de l’ensemble des embranchements, avenues ou rues perpendiculaires, tirer le masque… du sac ou de quelque pochette, et le porter, il y est toujours pourtant « le masque de caractère » ; les rôles sociaux, toutes et tous nous les interprétons ces rôles, et qui se matérialisent par ces visages que l’on se fait, pour le bureau ou pour la chaîne, pour les soirées ou les assemblées, le masque a toujours été là, il est simplement rehaussé d’un nouveau, un sanitaire, tissus colorés, quelques fois personnalisés – vert-jaune-rouge ; drapeau du Mali, aperçu au sortir du métro, ou encore cette coquetterie d’accorder la couleur de ses vêtements à celle du masque – ou encore le bleu, le masque chirurgical, le jetable, c’est le plus courant, de Chine qu’il vient, le plus souvent, tissé par des milliers (millions ?) de détenus Ouïghours notamment, c’est le masque le plus porté, ce masque chirurgical bleu, on porte sur son visage le génocide ; en voilà une nouvelle, de métaphore, pas près de devenir stéréotype ou lieu commun parce que pour qu’il y ait lieu commun, il en faut justement du… commun, du partagé, le masque ça pour sûr, c’est partagé collectif, le génocide des Ouïghours, leur sort, si peu évoqué, si peu partagé…

Posted by:Ahmed Slama

Ahmed Slama est écrivain (Remembrances, 2017 ; Orance, 2018) et développe une activité de critique offensive, par des textes et des vidéos, qu'il diffuse principalement sur le site litteralutte.com. A publié, entre autres, Marche-Fontière aux éditions Les presses du réel, collection Al Dante, à commander pour soutenir l'auteur, sa chaîne et le site Littéralutte. À lire la revue de presse de Marche-Frontière.

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