Écriture sous contraintes. Pas simplement la contrainte que l’on se donne à soi, le handicap ou le jeu, par exemple : ne pas user de voyelles ou de ponctuation, et qu’on retrouve, notamment, du côté de l’OULIPO. Souterraines et impensées, il en existe une kyrielle de contraintes qui s’imposent à nous. Écritures sous contraintes. La plus simple et celle qui vient d’emblée : le temps. S’en dégager du temps et de l’énergie pour – chaque matin ? chaque soir ? – enchaîner ces quelques mots sur la feuille. Tromper sans cesse l’apesanteur de la vie STO – Service du Travail Obligatoire – ; et le temps effectif sur le poste de travail et le temps libre qu’on passe à panser les plaies des balafres du quotidien, les oublier, s’oublier, le plus souvent, dans et par le divertissement-diversion qui jugule la pensée.
Devant le blanc de la page (de papier ou simulée à l’écran) pas libre ou pas si libre que ça, pas effacées comme ça, d’un coup les déterminations et les impensés, les représentations et les catégorisations, même par le filtre des personnages, on est captés par l’existence, arrimés à son existence propre. Pas d’écriture sans contraintes, donc. Pas possible, impossible d’y échapper à la contrainte, à partir de là, pourquoi pas ? oui, pourquoi ne pas sortir de la contrainte dans et par la contrainte, contrainte éthique et non morale – on la connaît la différence entre l’éthique et la morale – contrainte dans et par l’écriture de se libérer, se contraindre à se libérer des imageries éculées, stéréotypes coloniaux, patriarcaux et de genre , revenir sur ce que l’on écrit, et scruter, comme l’on est attentif aux répétitions aux poncifs et aux lieux communs, la perpétuation des représentations. L’écriture inclusive, pour prendre cet exemple, comme jeu de contraintes, représenter tous et toutes, mais pour cela, il faut avant tout décloisonner la représentation de cette écriture, elle qui recouvre des emplois très différents, d’une tournure syntaxique impersonnelle (penser au lectorat, par exemple) à un choix lexical (droits humains au lieu de droits de l’Homme) en passant par des jeux de flexion (auteure, auteur) ou des dispositifs typographiques (certain·e). Le point médian qui suscite (l’hystérie avais-je écrit au premier jet) tant de remous, n’étant qu’un aspect (parmi d’autres) de cette écriture inclusive.